A MOMENTARY LAPSE OF REASON







Description

A Momentary Lapse of Reason (« une perte momentanée de la raison ») est le treizième album studio du groupe britannique de rock Pink Floyd, paru en septembre 1987.

En 1985, le guitariste David Gilmour commence à réunir des musiciens pour travailler sur son troisième album solo. Fin 1986, il décide d'en faire un nouvel album de Pink Floyd, à la suite de quoi le batteur Nick Mason, puis le claviériste Richard Wright sont invités à rejoindre le projet. Pour des raisons légales toutefois, Wright ne peut être crédité comme membre du groupe à part entière, mais il participe néanmoins à la conception de ce qui devient le premier album de Pink Floyd sans le bassiste et parolier Roger Waters, qui a annoncé son départ en décembre 1985.

L'album est enregistré d'octobre 1986 à mai 1987, principalement sur l’Astoria, une péniche reconvertie en studio, avec l'aide du producteur Bob Ezrin et de nombreux musiciens de session. Durant cette période, une querelle juridique d'intensité croissante oppose Waters et Gilmour quant aux droits sur le nom « Pink Floyd ». Elle n'est réglée que plusieurs mois après la sortie de l'album.

À la différence des précédents albums du groupe, A Momentary Lapse of Reason ne présente pas de thème central et se présente comme une simple collection de chansons écrites par Gilmour avec plusieurs co-auteurs, dont le poète Anthony Moore. L'album reçoit des critiques mitigées et Waters le tourne en dérision dans la presse, mais grâce à une tournée mondiale couronnée de succès, ses ventes dépassent aisément celles de l'album précédent du groupe, The Final Cut.

Contexte

Après la sortie de l'album The Final Cut, souvent considéré de facto comme un album solo du bassiste Roger Waters, les trois membres restants de Pink Floyd se consacrent à des projets individuels. En 1984, le guitariste David Gilmour exprime en partie son ressenti vis-à-vis de Waters sur son second album solo, About Face. La tournée de promotion de ce dernier s'achève lorsque Waters entame celle de son album The Pros and Cons of Hitch Hiking. Les deux musiciens ont beau avoir fait appel à des interprètes talentueux (notamment Eric Clapton pour Waters), ils découvrent que leurs noms respectifs séduisent moins le public que celui de Pink Floyd. Des ventes médiocres obligent Gilmour à annuler plusieurs concerts en solo et le critique David Fricke décrit ceux de Waters comme « une tentative transparente de prouver que Roger Waters était Pink Floyd ». Après six mois de pause, Waters repart en tournée sur les routes des États-Unis en mars 1985, mais sans le soutien de CBS Records, qui ne cache pas désirer un nouvel album de Pink Floyd.

Pendant ce temps, le batteur Nick Mason se rend compte que jouer sur scène sous le nom de Pink Floyd lui manque après avoir assisté à un concert de Waters à Londres en 1985. Son second album solo, Profiles, en collaboration avec le guitariste Rick Fenn, paraît en août de la même année ; Gilmour chante sur le single qui en est extrait, Lie for a Lie. Mason et Gilmour partagent une passion pour l'aviation : ils prennent des leçons et achètent un avion de Havilland Dove. Gilmour collabore avec d'autres artistes, notamment Bryan Ferry lors du Live Aid et le groupe The Dream Academy, dont il produit le premier album.

En décembre 1985, Roger Waters annonce son départ de Pink Floyd, « une force épuisée » selon lui. Après l'échec de la tournée About Face, Gilmour espère poursuivre sous le nom de Pink Floyd. Gilmour, Mason et CBS Records menacent dès lors Waters d'un procès afin de l'obliger à écrire et produire un autre album de Pink Floyd avec ses collègues, qui ont à peine participé à la réalisation de The Final Cut. En 2004, Waters a expliqué pourquoi il avait finalement décidé de laisser Gilmour et Mason continuer :

« [CBS Records] me menaçaient car nous étions sous contrat avec eux et qu'une partie de ce contrat pouvait être interprétée comme un engagement de production avec CBS et que, si nous ne produisions plus chez eux, ils pouvaient :
a)nous poursuivre en justice et
b) retenir les royalties si nous ne faisions plus de disques [chez eux]. Ils ont donc dit : « C'est ce que la maison de disques va faire et le reste du groupe va vous poursuivre en justice pour tous leurs frais juridiques et toute perte de revenus parce que vous êtes celui qui empêche le groupe de faire d'autres disques ». Ils m'ont forcé à démissionner du groupe car, si je ne l'avais pas fait, les répercussions financières m'auraient complètement anéanti. »
Malgré la situation, Waters aurait continué de penser que Pink Floyd n'existerait plus sans lui. Waters fait part à EMI et Columbia de ses intentions et leur demande de le libérer de ses obligations contractuelles. Il se passe également des services de Steve O'Rourke, le manager du groupe, et confie la gestion de ses affaires à Peter Rudge. Dès lors, Gilmour n'est pas d'accord avec son diagnostic. Il refuse de laisser Pink Floyd disparaître, et se montre bien décidé à continuer avec le groupe. Mason et lui considèrent que les démarches du bassiste les laissent libres de continuer à utiliser le nom Pink Floyd.

En l'absence de Waters, Gilmour réunit plusieurs musiciens pour un nouveau projet. Quelques mois auparavant, lors d'un bœuf au studio de Hookend, le claviériste Jon Carin et Gilmour composent la grille d'accords de ce qui deviendra Learning to Fly, et Carin est donc invité à rejoindre l'équipe. Gilmour fait appel à Bob Ezrin (coproducteur de The Wall en 1979) pour son nouveau projet, afin de consolider les chansons déjà écrites. Quelques mois plus tôt, le producteur canadien a décliné l'offre de Waters de participer à son nouvel album solo, Radio K.A.O.S., ce que Waters a pris comme un acte de trahison. Ezrin arrive en Angleterre durant l'été 1986. Il n'y a alors aucun engagement définitif pour un nouvel album de Pink Floyd, et Gilmour continue à affirmer publiquement que ce qu'il enregistre peut donner lieu à son troisième album solo. Le représentant de CBS Stephen Ralbovsky aurait alors déclaré à Gilmour et Ezrin durant une réunion en novembre 1986 que la musique « ne ressemble pas du tout à celle de Pink Floyd ». À la fin de l'année, Gilmour se décide à faire du nouveau matériel un projet de Pink Floyd, et il accepte de retravailler ce que Ralbovsky n'avait pas aimé.

Analyse

A Momentary Lapse of Reason, le premier album de Pink Floyd période David Gilmour, bénéficie d’une nouvelle réinterprétation. Roger Waters fulmine
“En intégrant certaines des parties originales de claviers de Richard Wright et en réenregistrant de nouvelles pistes de batterie avec Nick Mason, les producteurs David Gilmour et Bob Ezrin ont souhaité rétablir l’équilibre créatif entre les trois membres de Pink Floyd”, indique les notes de pochette de cette version XXI° siècle de A Momentary Lapse of Reason, album initialement publié en 1987. Notes qui méritent une petite explication de texte rétrospective : au mitan des années 1980, les Pink Floyd ne sont effectivement plus que trois, exit Roger Waters, leader et principal compositeur autodéclaré, qui souhaitait quitter le groupe et le dissoudre dans le même temps. Mais c’est sans compter l’orgueil de David Gilmour dont les trames enivrantes, les glissandos délicats et le sens du crescendo dramatique constituent également l’ADN du son floydien. En plein divorce personnel, le guitariste doit alors naviguer entre les avocats envoyés par un Roger furibard, la préparation d’une gigantesque tournée des stades et l’enregistrement, notamment dans son studio-péniche Astoria, de ce disque fondé sur quelques titres initialement destinés à sa carrière solo.

Si Nick Mason, le seul membre permanent du Floyd au fil des années, est de la partie, il est néanmoins remplacé par Carmine Appice sur “The Dogs of War” et par Jim Keltner sur “One Slip”, “Learning to Fly” et “On the Turning Away”, pour laquelle le batteur historique ne “sentait” pas le roulement de caisse claire introductif. Quant à Rick Wright, son statut juridique de “musicien de studio employé”, et non de membre à part entière, hérité de son conflit avec Roger Waters lors de la création de The Wall, en 1979, le place de facto en retrait au profit du clavier Jon Carin, qui cosigne la chanson “Learning to Fly”.

Je savais que certains fans n’apprécieraient pas un Floyd sans Waters, je ne savais pas qu’ils seraient si peu nombreux”, déclarait David Gilmour, en 1987, à propos du succès de A Momentary Lapse of Reason, qui s’était classé instantanément à la troisième place des hit-parades des deux côtés de l’Atlantique. Tandis que Roger Waters se produisait aux États-Unis dans des salles d’une capacité de 6 000 personnes, généralement à moitié pleines, son ancien groupe bondait des stades de 80 000 spectateurs dans le monde entier ! Nul doute que A Momentary Lapse of Reason, que Waters avait autrefois qualifié de “contrefaçon habile”, et cette période conflictuelle de passation de pouvoir y figureront en bonne place. Le pire est évidemment à craindre.

COVER-STORY


Le titre A Momentary Lapse of Reason est choisi après de nombreuses hésitations, l'emportant sur Signs of Life, Of Promises Broken et Delusions of Maturity.

Storm Thorgerson revient travailler sur la pochette de l'album, dix ans après Animals, sa dernière pochette pour un album studio de Pink Floyd. Son concept final consiste en une série de lits d'hôpital alignés sur une plage, une image inspirée par un vers des paroles de Yet Another Movie et une vague idée de Gilmour comprenant un lit dans une maison méditerranéenne et des « vestiges de relations évanouies, ne laissant que des échos ». La pochette est une photo de 800 lits sur la plage de Saunton Sands, dans le Devon (où, par coïncidence, des scènes du film The Wall ont été tournées). L'image prend en tout deux semaines pour être produite, et elle vaut une médaille d'or de l'Association of Photographers au photographe Robert Dowling.

Un documentaire présent dans le coffret « The Later Years 1987 – 2019 » montre la conception de cette pochette.

La pochette intérieure présente une photo du groupe (prise par David Bailey), pour la première fois depuis Meddle, en 1971. Seuls Gilmour et Mason y apparaissent. Wright ne figure que dans les crédits.

SETLIST


Piste Titre Durée
Face A
01 Signs of Life 4:24
02 Learning to Fly 4:53
03 The Dogs of War 6:05
04 One Slip 5:10
05 On the Turning Away 5:42
Face B
06 Yet Another Movie / Round and Around 7:28
07 A New Machine (Part 1) 1:46
08 Terminal Frost 6:17
09 A New Machine (Part 2) 0:38
10 Sorrow 8:46